Une usine de bébés parfaits...lebensbornaccueil

 

 

 

 

Lebensborn d'Isabelle Maroger aux éditions Bayard Graphic (2024) 

Une phrase peut avoir un impact considérable sur la vie d’une personne ou sur ses souvenirs. Tandis qu’elle prend un bus lyonnais, une femme entame la discussion avec Isabelle Morager sur son nouveau-né. Elle s’exclame que le petit est magnifique et que la jeune mère devrait déjà penser à en faire un deuxième, car un petit blond aux yeux bleus… « ça devient rare cette race ! » Choquée par les propos de cette passagère, de cette phrase discriminatoire, à connotation antisémite et raciste, un secret de famille remonte à son esprit. Il est temps pour elle de raconter l’histoire de sa mère, née dans un Lebensborn.

« Lebensborn », un néologisme construit à partir de Leben et born, signifiant respectivement « vie » et « fontaine » en allemand. Il était une association de l’Allemagne nationale-socialiste, fondée par Henrich Himmler. Gérée par les SS, le lebensborn avait pour but premier d’accélérer la « création » et le « développement » de la race aryenne afin qu’elle devienne la race dominante. Ces établissements accueillaient des futures mamans pour donner naissance à des enfants qui leur seraient arrachés pour être élevés dans des familles allemandes.

C’est dans un de ces Lebensborn norvégien que Katherine, la mère d’Isabelle a vu le jour. À la suite du décès de sa mère adoptive, Katherine décide de partir à la recherche de ses parents biologiques afin d’en apprendre davantage sur les origines de sa naissance. Avec le soutien de ses enfants, cette quête devient familiale.

 

 

Pendant sept ans, Isabelle travaille pour trouver la bonne manière de parler de ce sujet sans voler l’histoire de sa mère. Elle veut rendre hommage à cette grand-mère maternelle qu’elle n’a pas connue. Grâce à un trait doux et des illustrations pastel, l’autrice et illustratrice parvient à aborder un sujet sérieux et douloureux tout en délicatesse. Une bande dessinée autobiographique qui nous parle sans tabou de ce pan de la Seconde Guerre mondiale longtemps passé sous silence : les maternités du IIIème Reich souhaitant la domination de la race aryenne aux détriments de ces mères. Ces femmes ont été traitées avec bienveillance jusqu’à l’accouchement avant d’être rejetées dès le retrait de leurs enfants. Des femmes oubliées, des bébés enlevés, d’autres assassinés en secret s’ils ne cochaient pas les cases de la race aryenne et dont la mort était simplement notée comme « décédé à la naissance ». Une atrocité humaine qui se dévoile pour donner enfin la parole à ses victimes. Un ouvrage nécessaire qui fait écho au roman de Caroline de Mulder, La pouponnière d’Himmler, paru chez Gallimard en 2024.

 

Amélie

 

Pour aller plus loin:

 

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Ecoutez un témoignage sur les Lebensborn, sur France Culture: cliquez ici

Ecoutez l'interview d'Isabelle Maroger: cliquez ici

 

 

la femme comme machine à bébés. Nombre d'entre elles voient aussi dans les Lebensborn une façon d'échapper à la honte. Cela leur évite un avortement, leur offre une issue discrète, voire cachée à des relations sexuelles hors mariage qui peuvent entrainer le déshonneur et le bannissement de la famille.