loupAccueil2 Ahouuuu, voici le loup, cachez-vous!

 

 

 

 

Le loup dans la littérature jeunesse

Personnage incontournable de la littérature jeunesse, le loup a longtemps été cantonné au rôle de grand méchant, figure de l’inconscient collectif, avant peu à peu de devenir un personnage tantôt attachant, tantôt ridicule.

 

  • La peur du loup

Dès le Haut Moyen-Age, le loup est l’animal à abattre. Plusieurs campagnes sont organisées afin de l’exterminer, notamment avec la création de la louveterie sous François 1er.fables

Et déjà, au XVIIème siècle, plusieurs des Fables de La Fontaine présentent le loup comme un animal dangereux, n’hésitant pas à croquer agneau (« Le loup et l’agneau »), brebis (« Les loups et les brebis ») et peut-être cigogne si celle-ci ne l’avait pas sauvé (« Le loup et la cigogne »). Malgré tout, il lui arrive aussi, se croyant trop malin, de ne pas arriver à ses fins, par exemple dans « Le loup devenu berger » ou « Le loup, la mère et l’enfant ». Mais il est aussi présenté dans ces fables comme un animal sauvage qui ne renoncerait pas à sa liberté pour le meilleur des repas (« Le loup et le chien »).

Dès la publication des premiers recueils de contes, tels que ceux de Charles Perrault à fin du XVIIème siècle, avec Le petit chaperon rouge, ou encore du Loup et des sept chevreaux des Frères Grimm et des Trois petits cochons au XIXème siècle, le loup apparaît comme un animal sournois, craint, qu’il faut fuir à tout prix. En cela, il sert la construction de l’enfant et la distinction entre le bien et le mal, ainsi que la mise en garde contre certains dangers. A noter que selon les contes et les versions, les victimes du loup parviennent parfois à se venger de celui-ci. Ainsi, dans la version initiale du Petit chaperon rouge, le loup mange la petite fille et sa grand-mère, mais dans la version ultérieure des Frères Grimm, un chasseur finit par les délivrer toutes deux.

Dans La chèvre de monsieur Seguin, d’Alfonse Daudet, datant de la fin du XIXème siècle, le loup est aussi présenté comme un animal laissant peu de chances à ses proies, la chèvre se battant vaillamment jusqu’au lever du jour.

Pour autant, certaines œuvres de la même époque font un pas de côté en lui attribuant un rôle nourricier, par exemple avec Le livre de la jungle de Kipling, paru en 1894, où Mowgli est recueilli par des loups. On ne peut s’empêcher de penser à Remus et Romulus, fondateurs légendaires de Rome, nourris par une louve.

En 1936, la crainte du loup persiste dans Pierre et le loup, conte musical de Prokofiev ou chaque personnage est représenté par un instrument de musique, écrit et composé en Russie où le loup est toujours très présent. C’est à cette même période que les derniers loups sont tués en France.

 

  • Un loup qui devient ridicule ou attachant

Dès le début du XXème siècle, une approche plus naturaliste est mise en avant dans Croc-blanc de Jack London : le chien-loup va rencontrer des hommes qui vont le maltraiter, avant de rencontrer un maître plus humain auquel il va s’attacher. Il en va de même dans l’album Marlaguette, de 1952, où les instincts de liberté du loup finiront par avoir raison de la volonté de le changer par une petite fille.

Mais ce n’est réellement que plus tard au cours du XXème siècle que le regard porté sur le loup se modifie dans la littérature jeunesse.

Petit à petit, les histoires où le loup, souvent anthropomorphisé, est tourné en dérision deviennent plus nombreuses. Même s’il est toujours considéré comme le grand méchant loup, il n’arrive plus à ses fins.

Ainsi, Geoffroy de Pennart, depuis les années 1990, reprend les personnages clés des contes les plus connus et son loup, Igor, se retrouve systématiquement dans des postures ridicules comme dans Le loup, la chèvre et les 7 chevreaux où, déguisé en maman chèvre, il s’empêtre dans sa robe et casse son talon haut. On retrouve le même type de scène dans Le plus malin de Mario Ramos ou encore Loup, loup, y es-tu ?

De même, Loup gris de G. Bizouerne et R. Badel est systématiquement victime de la ruse des autres, comme dans Plouf de Philippe Corentin. Le loup devient également maladroit, attachant, dans Pas sage ? d’Alex Sanderloupgriss ou dans le livre-marionnette Les bisous du grand méchant loup de Jean Leroy et Laurent Simon.

Des libertés sont prises avec la nature du loup qui mange tour à tour une carotte, dans Loup d’Olivier Douzou, et un sandwich dans Y a un loup ! de Matthieu Maudet.

Et c’est un loup plein de bons sentiments, vivant dans la forêt en harmonie avec les autres animaux, que l’on découvre dans la bande dessinée Le loup en slip de Lupano Itoïz Cauuet.

La peur du loup, bien présente initialement, est ainsi peu à peu déstructurée et apparaît comme infondée dans Moi j’ai peur du loup d’Emilie Vast : un lapin décrit un animal qui le terrifie, mais s’aperçoit qu’en réalité le loup est beaucoup plus sympathique qu’il le croyait. De même, l’album sans texte Loup noir d’Antoine Guilloppé joue sur cette peur pour créer la surprise dans la chute de son histoire.

Et peu à peu, certains auteurs prennent le parti de considérer le loup comme victime de sa mauvaise réputation. Il en va ainsi dans Rosa-Lune et les loups de Magali Le Huche, où les préjugés auront raison des loups. De même, dans Un Noël pour le loup de Dedieu, c’est un personnage triste et seul qui est mis en scène. Dans L’œil du loup de Daniel Pennac, on change de point de vue : c’est le loup qui craint l’homme et ses fusils, qui se retrouve privé de sa liberté, livré à la vue du public, mais malgré tout en communion avec un jeune garçon au destin guère plus enviable.

 

  • Un nouveau regard sur le loup

Plusieurs ouvrages, ainsi que la multiplication de documentaires, sont le reflet d’une meilleure connaissance scientifique du loup depuis quelques décennies. Il devient une espèce protégée dans plusieurs pays. Le magnifique livre pop-up Loups d’Elena Selena suit des louveteaux dans leur habitat naturel, rejoignant les ouvrages naturalistes, tout en conservant le cliché de cet animal associé à la pleine lune. Dans le conte Petit-Loup, il s’agit bien d’un animal sauvage, conduit à manger d’autres animaux par nature, mais il le fait avec respect et politesse.

Pour les plus grands, les romans s’emparent de la polémique autour du retour du loup, en évoquant ceux qui sont « pour » et ceux qui sont « contre », en prenant souvent le parti des premiers. Il en va ainsi dans Les aventures de Kimamila : Au loup ! et Les Sauvenature : Gare aux loups.

Il y a enfin des histoires où le loup est devenu un personnage comme les autres, permettant aux tout-petits de s’identifier, indépendamment de toute caractéristique dont il aurait pu hériter, comme « Super » de Gwendoline Raisson et Ella Charbon, « Mini-loup » de Philippe Matter, « P’tit loup » et « Le loup » d’Oriane Lallemand, faisant ainsi oublier toute référence au Grand méchant loup.

Marie

 

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