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Nos pères, nos frères, nos amis : dans la tête des hommes violents – Mathieu Palain – Les Arènes - 2023

Mathieu Palain est avant tout journaliste, il a notamment écrit pour Libération ou la revue XXI. Il est devenu écrivain avec Sale gosse, un roman sur la trajectoire d’un enfant placé, passé par la délinquance avant de rebondir et repartir sur le droit chemin. L’auteur a été influencé par son père, éducateur, qui a beaucoup partagé son expérience avec lui lorsqu’il était enfant.

Dans sa démarche de journaliste, dès qu’un sujet de société l’accroche, il creuse, s’intéresse à la psychologie des protagonistes, essaie de comprendre les mécanismes et nous propose des pistes de réflexion. Il explore souvent les sujets de détention et de jeunes maltraités par la vie afin de comprendre les raisons qui poussent vers la délinquance et les solutions mises en place pour qu’ils s’en sortent.

Dans Nos pères, nos frères, nos amis, il s’attaque à la violence masculine. Le titre de cet ouvrage fait référence à une phrase d’Adèle Haenel qui expliquait en 2019 : « Les monstres, ça n’existe pas. C’est notre société. C’est nous, c’est nos amis, c’est nos pères. » et évoque le fait que les hommes violents ressemblent à tous les autres hommes et sont de tous milieux sociaux. Mis sur la piste des groupes de paroles destinés à des hommes condamnés pour violence, il propose d’en réaliser un reportage à diffuser sur l’antenne de France Culture. Cette idée fait écho pour la productrice de l’émission, Sonia Kronlund, au mail d’une auditrice victime des coups de son ex-compagnon, et qui a été condamnée à suivre un stage de responsabilisation sur les violences conjugales, au même titre que l’auteur des faits. C’est le point de départ de la rédaction du livre.

Mathieu Palain se rend donc pendant quatre ans dans ces groupes de parole à Caen et à Lyon, ainsi qu’à des auditions judiciaires, où il est confronté à la réalité de cette violence : ce sont des hommes ordinaires qui se sentent dépassés par l’évolution des relations femmes-hommes. L’auteur met en parallèle ces témoignages avec ceux de femmes victimes de violences conjugales, et avec une réflexion plus personnelle sur son propre vécu et celui des femmes de son entourage. Il n’apporte pas de réponses mais nous permet de réfléchir à ce sujet, de nous questionner sur notre propre violence, et de prendre conscience que cela peut arriver à tout le monde.

 

Laurène

 

 

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Béatrice Ascencio prendra sa retraite à la fin de l’année. A 23 ans, sa liberté était sa seule richesse ; elle ne comprenait pas qu’on puisse la sacrifier pour de l’argent, un peu de gloire, du pouvoir, alors elle est entrée en prison, pour voir. Les premières fois, quittant la centrale, elle levait les yeux au ciel et se répétait : Regarde la chance que tu as. Elle y retourne encore, en détention, mais l’essentiel de son temps est consacré à éloigner les sortants de la récidive. Ils servent à cela, les groupes de parole : empêcher que les mecs rechutent. Par provocation, mais aussi parce que je me pose sincèrement la question, je lui demande si ces mecs la respectent. Elle paraît surprise.

« Ce n’est pas une question de respect, mais la phrase “De toute manière, vous ne pouvez pas comprendre, vous êtes une femme”, c’est vrai que je l’entends souvent.

-Qu’est-ce que vous répondez ? »

Elle sourit.

« Je réponds que s’ils m’expliquent clairement, peut-être que je comprendrai mieux. Ils ne comprennent plus les femmes. J’ai l’impression qu’ils sont nostalgiques d’une époque, quand leurs mères étaient des domestiques qui prenaient soin de leur mari et n’avaient aucune revendication. Leur couple idéal, c’est le couple de leurs parents. Or quand on creuse deux minutes, on se rend compte que leurs parents, pour pas mal d’entre eux, vivaient dans la violence. Mais ils ne font pas le lien entre ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils ont reproduit.

-Ils parlent facilement ?

-Ça dépend des groupes. Dans le précédent, un jeune nous a confié qu’il était le fruit de l’inceste entre son père et sa sœur. Il n’en avait jamais parlé. Il en a fait “cadeau” au groupe, et on l’a remercié. Ça lui a fait du bien de réaliser que son secret n’était pas accueilli comme une monstruosité. Généralement, les relations se nouent autour de la quatrième séance. En juin dernier, les participants se sont même retrouvés un samedi pour faire un barbecue. »

Je repense aux mots de Cécile : « J’ai l’impression qu’ils ont passé une bonne journée. C’était l’occasion de se faire des potes. »