Faire la paix avec son passé.
Cinq petits indiens – Michelle Good – Seuil – 2023 – Amélie
Canada, fin des années 60.
Cinq jeunes autochtones évoluent dans le quartier East à Vancouver. Maisie, Lucy, Clara, Kenny et Howie se connaissent depuis la Mission School. Pour eux, ces années dans le pensionnat sont synonymes de cauchemars et de traumatismes. Ils sont considérés comme des survivants. Autochtones, ils ont été enlevés à leur famille à l'âge de sept ans pour rejoindre la Mission School afin de subir le processus d'assimilation. Par la scolarisation et l’évangélisation, le gouvernement décide de « tuer l'indien dans l'enfant ». A seize ans, ils sont mis par les sœurs dans un bus en direction de Vancouver, là où ils doivent construire une vie alors qu'ils sont déracinés et perdus.
Traumatisée par sa vie au pensionnat, Maisie ne parvient pas à aller de l'avant. En apparence, elle travaille sérieusement et vit en couple avec un petit ami charmant et attentif. En réalité, elle se prostitue, cherche la violence et se réfugie dans la drogue pour oublier les visions de son passé.
Lucy et Kenny sont amoureux depuis le pensionnat. Candide, Lucy est intimidée par le monde extérieur. Kenny, lui, était parvenu à s'enfuir du pensionnat et a vécu dans la clandestinité pendant des années avant de retrouver son chemin qui le ramène près de Lucy. Si au fur et à mesure, la jeune femme parvient à s'adapter à la vie à Vancouver, ce n'est pas le cas de Kenny qui fuit sans cesse son passé et finit par partir en pleine nuit pour une destination inconnue.
Avec son tempérament de feu et sa quête de justice, Clara s'engage dans l'American Indian Movement pour les droits des autochtones et dénoncer les traitements subis aux pensionnats mis en place par le gouvernement, tout en aidant Lucy dans sa maternité précoce. Cependant, elle reste traumatisée par son séjour à la Mission School et surtout par l'image du décès d'une enfant.
Quand à Howie, il est le seul à ne pas avoir pu profiter de sa liberté offerte à ses seize ans. Retrouvant son tortionnaire, il le lynche de rage. Il est arrêté et condamné pour ses actes. Il se battra une grande partie de sa vie pour sortir de sa nouvelle prison.
Michelle Good, avocate auprès des survivants des pensionnats autochtones pendant près de vingt ans, signe ici un premier roman puissant. L'immersion au sein de ces institutions est totale. Nous sentons la détresse de ces enfants, livrés à des tortionnaires qui ont pour principale mission de les assimiler et de détruire leurs origines quitte à les anéantir. Suite à la proclamation et la mise en place de la Loi sur les Indiens en 1925, le gouvernement canadien décide que tous les enfants de sept à quinze ans devront fréquenter une de ces institutions au moins dix mois par an. A leur arrivée, les enfants perdaient déjà une part de leur identité par leurs cheveux rasés, leur changement de nom et l’attribution d'un numéro pour les identifier. Cela n'était qu'un avant-goût de l'enfer qui allait s'annoncer pendant de nombreuses années : brutalité, absence de contact avec leur famille, interdiction de parler dans leur langue maternelle, piètre enseignement, travail excessif... Nombreux sont ceux qui sont sortis de ces pensionnats traumatisés et qui en ont subi des séquelles pour le restant de leur vie. Bien que le dernier pensionnat ait fermé ses portes en 1996 et que depuis, beaucoup d'hommes politiques et d'hommes d'église présentent leurs excuses pour les sévices subis, il ne faut pas oublier les 15 000 enfants concernés et les décès estimés entre 3000 et 6000.
Amélie
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Extrait
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J'avais rêvé si souvent au pensionnat de ce jour où je rentrerais auprès d'elle... Où je pourrais cuisiner avec elle, dormir en sécurité dans ma chambre, jouer librement et sans crainte sur la plage... J'aspirais désespérément grimper de nouveau sur cette chaise devant la cuisinière, à remuer le contenu d'une casserole sous son regard attentif, comme quand j'étais petite. Mais hélas, redevenir un enfant, vivre à nouveau dans l'insouciance, sans peur, sans coups - personne n'a droit une telle chance. Ne subsiste qu'un vide béant, un manque que rien ne peut combler.