Le périple audacieux d'une jeune femme déterminée
Voyage d’une femme au Spitzberg, de Léonie d’Aunet – Textuelles – 1855
En 1839, la Commission scientifique du Nord, crème des savants de l’époque, est envoyée par le roi des Français Louis Philippe à proximité du Spitzberg, en plein Océan Arctique. Les scientifiques ont pour mission d’explorer et de recueillir du matériel dans tous les domaines scientifiques connus : astronomie, botanique, zoologie, hydrographie, géologie, minéralogie, météorologie et tant d’autres. Pour mener à bien cette expédition, les scientifiques sont accompagnés de trois peintres et dessinateurs (la photographie n’en est qu’à ses débuts), dont François Biard, peintre plutôt conventionnel, et futur mari de Léonie d’Aunet. C’est cette relation entre le peintre et la jeune femme de 19 ans qui permet à celle-ci d’embarquer sur la corvette « La Recherche », alors que tout présence féminine est interdite par la loi sur les navires d’État. Elle devient ainsi la première Française à traverser l'océan Arctique.
Le Voyage d’une femme au Sptizberg relate donc, à travers neuf lettres adressées à son demi-frère, le périlleux voyage au-delà du cercle polaire de Léonie d’Aunet pour atteindre l’île du Spitzberg, embarquant au Havre en direction de la Hollande pour atteindre la Norvège. Nous voilà donc embarqués à travers ses yeux, ses impressions et ses ressentis lors de ce long périple.
C’est un récit très agréable à lire, qui se distingue par un style coquet, pétillant et très ironique. Les lettres sont précieuses du point de vue du simple récit de voyage, mais également pour la vulgarisation des connaissances sur le monde nordique, et les informations techniques qu’elles apportent sur des aspects pratiques de l’organisation d’un voyage aux terres nordiques.
Les descriptions de certains lieux particulièrement impressionnants (pour leur beauté naturelle ou pour leur importance géographique) sont débordantes de détails, avec des tons romantiques, tandis que la prose est pleine de malice et de grâce.
Et de ce récit ressort toute la détermination et la force de caractère de Léonie d’Aunet, qualités qui lui ont permis d’accomplir son vrai but : être originale en étant la première femme française à parcourir les routes nordiques.
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Pour aller plus loin :
Femmes des pôles : dix aventurières en quête d’absolu / Benoît Haimermann
Elles ont conquis le monde : les grandes aventurières, 1850-1950
Extrait
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Je me laissai servir du potage. Je vis dans mon assiette une quantité de petites boules nageant dans un jus violet ; il s’exhalait de là une odeur spiritueuse de fâcheux présage. J’essayai de m’attaquer d’abord à une grosse boule jaune qui me parut un innocent jaune d’œuf dur… Je crus manger du feu. Le traître avait été abondamment poudré de piment. J’eus la lâche idée de tout laisser ; mais les regards étaient fixés sur moi ; je fis une invocation à l’hospitalité, et rassemblant tout mon courage, je continuai d’avaler cette infernale soupe. Au milieu du conflit de goûts, de saveurs et d’arômes qui ahurissaient complètement mon palais, je distinguai, dans cette mêlée bizarre, du sucre, du jus de gibier, du piment, du vin, des œufs et toutes les épices connues ; l’addition d’un peu de poudre à canon ne me paraîtrait pas invraisemblable.