Un roman lumineux !
Valentine Goby – Murène – (Actes sud, 2019)
Hiver 1956, un froid sibérien sévit à Paris. François Sandre, beau jeune homme de 22 ans, est en pleine fleur de l’âge. Le corps et le cœur vaillants, il a exercé divers métiers manuels, à l'usine, aux vignes, à la forge. Il est amoureux de Nine depuis plusieurs mois. Sur la route qui le mène chez son cousin dans les Ardennes, il tombe en panne. Il tente de trouver du secours. Pour se repérer dans la neige profonde il se hisse sur des wagons immobilisés par le gel. Il reçoit une déflagration électrique d’une caténaire qui le plaque au sol. Grièvement brûlé, François subit l’amputation des deux bras. Il rejette l’appareillage proposé par les prothésistes.
Au fil des pages on partage les souffrances multiples de François, physiques et psychiques. Les soignants et ses proches le soutiennent dans ses efforts, parfois vains, de repousser ses limites dans la réalisation des gestes du quotidien.
Une mutation profonde s'opère lorsque, grâce à l'Amicale sportive des mutilés de France, François peut profiter de séances en piscine. Dans le même temps, lors d'une visite à l'aquarium avec sa sœur Sylvia, la rencontre derrière une vitre, avec une murène, cette silhouette grossière, sans écailles ni nageoires, d'apparence monstrueuse mais si gracieuse va le captiver. À la suite de cette vision, il n'aura de cesse d'apprendre à nager et cheminera ainsi de la déficience vers une splendide métamorphose.
A travers ce roman plein d’espoir, Valentine Goby retrace les balbutiements du handisport, un pari incertain pour ces sportifs, avec toutes les difficultés rencontrées pour être crédibles, jusqu'aux jeux paralympiques de Tokyo en 1964.
Elle a obtenu le prix Solidarité qui récompense un roman illustrant la générosité, l'entraide, la tolérance et le respect de la personne humaine
Florence
Extrait :
Il réapprend à respirer. Les côtes se ressoudent mais la greffe du thorax forme un placard rétractile qui attire ses épaules vers l’avant. Il porte une peau étroite comme un vêtement lavé trop chaud. Le masseur lui enseigne à ouvrir la cage thoracique, à détendre les fibres. Ca ne peut pas se faire sans François. La mobilisation des articulations peut dépendre du seul soignant ; pour l’exercice respiratoire, on compte aussi sur lui. On imagine peut-être que François n’a pas le choix, respirer c’est le mouvement minimal, en dessous de quoi il n’y a rien. Il y a rien, justement, rien est un choix possible, le repli complet dans le noyau de pêche et crever, une tentation de chaque instant. Étonnamment François fait l’effort, gonfle ses poumons, plaque ses omoplates contre sa cage thoracique. Ca ne va pas de soi. Il le fait.
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