Un hymne à la différence !
"Là où chantent les écrevisses" de Délia Owens – Seuil, 2020
L'héroïne de cette histoire s'appelle Kya. C'est une petite fille de 10 ans qui vit avec sa famille dans une misérable maison près du bayou à l'écart de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Successivement sa mère, ses frères et soeurs quittent la maison, fuyant un univers violent dû à un père alcoolique. Bientôt, ce dernier disparaît également la laissant définitivement seule, désormais obligée de se débrouiller pour survivre dans un univers hostile. Elle apprend à se servir du bateau de son père et ramasse, chaque jour, à l'aube, des coquillages pour aller les vendre en ville. Et si elle est analphabète, elle possède plusieurs atouts : son intelligence, sa vivacité, son sens de l'observation et sa curiosité vont faire d'elle une spécialiste du marais. Au fil des années : aucun coquillage, aucun oiseau, aucun invertébré ne lui seront inconnus. Et si elle est plus rapide qu'une anguille pour échapper à ceux qui veulent l'envoyer à l'école ou dans un orphelinat, elle va se laisser apprivoiser par un ami de son frère : Tate. Un peu plus âgé qu'elle, il va patiemment lui apprendre à lire, écrire et compter. Désormais sa vie ne sera plus la même. Amoureux l'un de l'autre, Tate va tout de même la délaisser pour pousuivre ses études, n'osant pas officialiser sa relation avec celle que l'on surnomme avec dédain "La fille du Marais". Blessée, elle se laissera à nouveau séduire par un autre jeune homme Chase qui l'humiliera encore plus pour les mêmes raisons. Quelques années plus tard, Kya, devenue une grande naturaliste du marais aura maille à partir avec la justice à la suite du décès de Chase.
Là où chantent les écrevisses de Delia Owens est un roman qui vous entraîne dans le sud-est des Etats-Unis. Elle nous plonge intimement dans ce bayou luxuriant tour à tour hostile et protecteur où vivent les parias, les opprimés et les marginaux. Grâce à Kélia, on découvre toutes les espèces qui peuplent ce marécage et elles sont très nombreuses : corneilles, hérons verts, phaétons... dont elle collectionne les plumes. On l'admire pour sa capacité à survivre seule dans ce marais. On vibre avec elle lorsqu'enfin elle a la possibilité de rompre une solitude qui parfois l'étouffe. On est triste pour elle lorsqu'elle est renvoyée à son image de "moins que rien" car vivant à l'écart des autres. On se révolte devant tant d'injustice et de préjugés.
Là où chantent les écrevisses est le premier romans de Délia Owens qui est diplômée en zoologie et biologie et titulaire d'un doctorat en comportement animal. On attend avec impatience le suivant.
Pour voir si ce livre est disponible à la médiathèque ou pour le réserver : cliquez-ici
Martine
Extrait :
-
Ce fut peut-être un désir d'escapade qui la poussa vers le bateau – une barque en métal à fond plat et au nez relevé que Pa utilisait pour aller pêcher. Elle y montait depuis qu'elle était toute petite, en général avec Jodie. Parfois, il la laissait tenir la barre. Elle savait même trouver son chemin dans le lacis des canaux et des estuaires qui dessinaient ce labyrinthe de terre et d'eau, d'eau et de terre, jusqu'à la mer. Car si l'océan se trouvait juste derrière les arbres qui entouraient la cabane, la seule façon de le rejoindre en bateau était de partir dans la direction opposée, vers les terres, et de serpenter à travers les kilomètres carrés de voies navigables enchevêtrées qui finissaient par conduire à la mer.
Toutefois, parce qu'elle était une fille et n'avait que sept ans, elle n'avait jamais pris le bateau toute seule. Il était amarée là, retenu par un unique filin de coton fixé à un rondin... Elle monta à bord en se disant à haute voix : "Il faut que je vérifie l'essence, comme Jodie m'a appris, pour que Pa s'aperçoive de rien. Elle plongea un roseau dans le réservoir rouillé. "Y en a assez pour faire un ptit tour, on dirait. "