La relecture « ottomane » de la première gnossienne de Satie par l’ensemble Sarband,
lui donnant des faux airs d’hymne soufi, rappelle l’influence orientaliste (plutôt qu’orientale) du compositeur qui fut, un court temps, compagnon de route du Sâr Péladan. De quoi nous donner des envies de loukoum, de babouches et de turban, au son d’une courte playlist alla turca. Vite, convoquons Lully et Molière, qu’ils nous intronisent sans délai Grand Mamamouchi au cours d’une drôlatique et mémorable cérémonie, et filons tout droit chez Wolfgang Amadeus Mozart, spécialiste ès turqueries.
Le public européen du XVIIIème siècle, dans sa très grande majorité, ignore tout de la richesse et des subtilités de la musique savante ottomane. Il ne connaît en matière de « musique turque » que celle qu’il rencontre, et cela de façon régulière, sur les champs de bataille : c'est celle de cette troupe d’élite que sont les Janissaires. Très impressionnante, avec ses gros tambours portés à dos de cheval ou de chameau, le fracas des cymbales et le son perçant et nasillard du hautbois, c’est cette musique que l’on va imiter pour faire « oriental »… Ainsi, dans l’ouverture de L’Enlèvement au Sérail, Mozart associe précisément grosse caisse, tintement métallique du triangle et stridence de la petite flûte piccolo pour retrouver ces sonorités « à la turque ». Et dans le célèbre rondo « alla turca » (dite « marche turque ») de la sonate pour piano K.331, c’est le martèlement rythmique qui évoque cet exotisme d’origine militaire. Une pièce que l’on peut interpréter de manière vive et colorée (Paul Badura-Skoda) ou, de manière plus espiègle, en surjouant l’aspect théâtral (Andreas Staier). D’autant qu’elle se prête particulièrement bien à l’improvisation débridée et aux relectures iconoclastes (Uri Caine) !
Mais on peut aussi, comme Boris, préférer le cha-cha-cha.
(Qui est une danse cubaine, pas brésilienne)