Des jeunesses ravagées
Les optimistes de Rebecca Makkai - Les Escales, 2020
A Chicago, en 1985, Yale Tishman est un jeune galeriste plein d’avenir. Il vit une histoire d’amour stable avec son compagnon Charlie et mène une vie joyeuse et insouciante entouré de ses amis artistes, activistes, journalistes ou professeurs. Mais bientôt son univers va se disloquer.
Le roman s’ouvre sur l’enterrement de Nico, premier d’une longue série d’amis que l’épidémie du sida va emporter. Yale et ses camarades ont le malheur de vivre à une époque où le virus apparaît, les traitements peu efficaces et où beaucoup considèrent encore la maladie comme la punition d’être homosexuel. A la panique de mourir si jeunes s’ajoute la révolte d’être traités comme des pestiférés et de ne pas pouvoir bénéficier de soins humains. Alors ils vont se battre et l’on assiste à la naissance d’Act up. 30 ans plus tard, Fiona la petite sœur de Nico et témoin de cette hécatombe est à Paris à la recherche de sa fille. Elle va alors se confronter, à son corps défendant, à son passé au moment où son univers s’est effondré.
Rebecca Makkai, dont c’est le second roman, met en scène une génération qui a commencé sa vie d’adulte avec le spectre du virus du sida autour d’elle. Elle décrit avec réalisme les souffrances physiques et morales endurées au début de cette épidémie, l’angoisse d’être ou non contaminé et le traumatisme vécu par les proches. Même si la partie se déroulant en 2015 est un peu moins forte, cette fresque romanesque vaut le détour pour sa partie très documentée des années 1980.
A travers l’histoire tragique et émouvante de Yale et ses amis, on mesure l’horreur de cette épidémie et les progrès scientifiques effectués en 30 ans.
Martine
Pour aller plus loin :
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Une interview de la romancière sur Lisez.com
Extrait
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Un éditorial sur les dépenses dérisoires du Congrès américain pour le sida. C'était un tout petit miracle que les gens en parlent encore, que le Tribune accorde une place au sujet. Charlie avait eu raison de dire qu'il leur faudrait la mort d'une grosse célébrité. Et pouf, Rock Hudson était parti, sans avoir eu le courage de sortir du placard, même sur son lit de mort, et finalement, alors que la crise durait depuis quatre ans, il y avait une faible lueur de quelque chose, là. Ce n'était pas suffisant, cependant. Charlie jura un jour que si Reagan daignait faire un discours sur le sida, il gratifierait les Républicains d'un don de cinq dollars.