La vie ordinaire des génocidaires - Richard Rechtman - Cnrs éditions - 2020
L’ouvrage « La vie ordinaire des génocidaires » porte sur les tueurs de masse. L’auteur, Richard Rechtman, anthropologue et psychiatre, montre comment, dans certains contextes, des hommes peuvent exécuter leurs semblables, sans l’ombre d’un remords : il suffit que les circonstances le leur permettent. Ces individus, les plus disponibles et pas nécessairement les plus motivés ou convaincus, tuent comme s’ils s’attelaient à n’importe quel travail.
En s’appuyant sur de nombreux récits de réfugiés et d’anciens tortionnaires, Richard Rechtman a étudié minutieusement les crimes des Khmers rouges au Cambodge, la répression syrienne, la violence des Talibans et des brigades de Daech, le génocide des Tutsi au Rwanda. Il nous livre son analyse : le donneur d’ordre n’est rien sans le petit exécutant, et la tuerie perpétrée avec indifférence est possible uniquement parce qu’elle est inscrite dans la routine professionnelle du tueur. La mise à mort, le devenir du cadavre, l’emploi du temps du meurtrier conduisent à relativiser l’horreur de l’acte.
Pour Richard Rechtman, ce ne sont pas les idéologies qui tuent, mais bien les hommes.
Même si le titre ne mentionne que le terme « génocidaire », l'ouvrage traite en réalité des points communs entre les tueurs de masse. A la lecture de ce livre, impossible de ne pas s’inquiéter du constat fait : n’importe qui pourrait commettre une violence aveugle. Il serait inutile d’invoquer la peur, la perversité, ou la jouissance pour justifier un tel comportement, la simple obéissance à une autorité respectée suffirait. Autre constat marquant : l’indifférence des tueurs et de leurs complices, fait de ceux-ci de redoutables armes de destruction massive. Heureusement, tout le monde n’accepte pas d’aller tuer son voisin, mais ce refus contraint parfois certaines personnes à quitter leur pays. Et la lecture de cet ouvrage nous remet face à une certaine vérité : l’accueil fait aux exilés politiques, n’est pas à la hauteur de ce qu’ils ont enduré.
Mireille
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Extrait
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Pour les génocidaires, la mort est donc présente à chaque instant. Même lorsqu'ils ne tuent pas, ils doivent organiser l'ensemble des tâches dévolues à la destruction. Du début à la fin du processus, devrait-on dire, de l'aube au crépuscule, même lorsqu'ils s'arrêtent autour d'une bouteille entre collègues, ou en grillant quelques cigarettes, c'est encore elle, cette mort qui les réunit et qui façonne leur compagnonnage. Sans elle, ils ne seraient pas là. Sans elle, ils ne se connaîtraient sans doute même pas. Tout dans leurs gestes quotidiens est empreint de cette présence.