La muse oubliée de Man Ray
Ady, soleil noir – Gisèle Pineau – Philippe Rey – 2021
Aujourd’hui une vieille femme, Adrienne Fidelin remonte le fil de ses souvenirs pour raconter son histoire. Ady n’a pas encore quinze ans lorsque le terrible cyclone de 1928 qui balaie la Guadeloupe la prive de ses parents. Orpheline, elle débarque à Paris où elle est recueillie par sa sœur. A 20 ans, elle tente sa chance comme danseuse et mannequin et fait de la figuration au cinéma. Tous les samedis soirs, elle s’étourdit au 33 rue Blomet, un bal colonial situé près de Montparnasse où le Tout-Paris antillais et les artistes aiment se trémousser aux rythmes chaleureux du jazz. C’est là qu’elle rencontre Man Ray alors âgé de 44 ans. Pendant cinq ans, leur amour se nourrit d’art et de légèreté. Le couple vit entre Paris et Antibes. Au fil de ses pérégrinations, le lecteur fait la rencontre de Paul Eluard et Nusch, Picasso et Dora Maar, Lee Miller et Roland Penrose et de nombreux autres artistes animés par la devise « joie, jouer, jouir ». Mais l’ombre menaçante du nazisme grandit outre Rhin et quand le conflit éclate, Man Ray rentre en Amérique. Ady fait le choix de rester en France. Les années passant, elle devient la muse oubliée du grand artiste.
Dans une langue souple, dynamique et colorée, Gisèle Pineau nous livre le portrait flamboyant d’Adrienne Fidelin, compagne et muse de Man Ray de 1934 à 1939. Son enfance à Pointe-à-Pitre, la colonisation, le cyclone et l’exil vers Paris sont autant de témoignages bouleversants. Le lecteur se laisse enivrer par la légèreté, l’amour libre et la création sans limites du Paris des années 30. Il ressent la nécessité de profiter et vivre pleinement cette période d’insouciance avant que les nuages qui s’amoncellent n’engloutissent tout sur leur passage.
Florence
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Extrait
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Je crois bien que je perds la notion du temps. Cette première séance de pose m’emporte loin des faux-semblants de la vie. Loin du qu’en-dira-t-on. Loin de la bienséance et des bonnes manières. Loin, dans une dimension parallèle où plus rien n’existe alentour. Man et moi, nous sommes à l’intérieur de cette sphère assez large pour nous deux. Un peu ivres, nous laissant bercer, pris d’un sacré vertige en même temps. Comme si nous avions consommé quelque substance euphorisante. Reliés l’un à l’autre par le seul fil de nos regards, nous nous parlons avec les yeux. C’est magique ! Nous flottons, enfermés et vulnérables derrière une paroi translucide qui risque d’éclater d’un moment à l’autre. Mesurant nos gestes, nous ne pensons ni à hier ni à demain.