Octobre, mois d'automne, des jours qui raccourcissent et des fêtes de fantômes… Pour l'occasion, nous avons eu envie de vous faire partager quelques trouvailles issues des étagères de la bibliothèque de Valery Larbaud. Histoires macabres, occultisme et contes gothiques seront au rendez-vous.
Episode 2 : l'occultisme dans la bibliothèque de Valery Larbaud
A l’inverse d’un Conan Doyle, Valery Larbaud n’est pas connu pour son intérêt pour les sciences occultes. Cependant, le tournant du 20e siècle étant marqué par une forte curiosité du monde littéraire et artistique pour l’ésotérisme, il n’est pas étonnant de retrouver dans les rayons de sa bibliothèque quelques auteurs classiques du genre. Petit passage en revue.
William Blake
Blake n’est pas à proprement parler un occultiste, mais ses poèmes et gravures empreints de mysticisme, inspirés par ses visions prophétiques, en font une figure de référence pour bon nombre d’écrivains et d’artistes qui s’intéresseront aussi aux sciences occultes. Son influence sur la culture britannique en général est indéniable et Larbaud, en bon angliciste, possède une édition complète de ses poèmes. Il en a traduit au moins un : Holy Thursday devient ainsi Jeudi saint.
Larbaud possède également un livre de Philippe Soupault consacré à Blake, qui débute ainsi :
Papus
Plus original : on trouve dans la bibliothèque de Larbaud un exemplaire du Traité élémentaire de Science Occulte de Papus, célèbre médecin et occultiste français du tournant du 20e siècle. Grand succès de librairie (l’exemplaire de Larbaud est la 7e édition), il comporte une partie « Théorie » et une partie « Réalisation », avec des chapitres sur l’alchimie, l’astrologie, la franc-maçonnerie, la symbolique etc.
Il semble que Larbaud n’ait accordé qu’un intérêt modéré à l’ouvrage, car la plupart des pages ne sont pas coupées. Peut-être s'en est-il servi pour une recherche bien spécifique ?
Aleister Crowley
Enfin, arrêtons-nous un instant sur une figure controversée dont la présence dans la bibliothèque de Larbaud montre bien les liens tissés entre artistes et occultisme : Aleister Crowley, alpiniste, peintre, philosophe, héroïnomane, libertin, créateur de sa propre religion, magicien pratiquant des rituels peu orthodoxes, et poète.
C’est en cette qualité qu’il apparaît dans le fonds Larbaud : en 1911, « Dora » est inclus dans l’anthologie For Her Namesake, joli recueil de poèmes ayant pour titres des prénoms féminins qui inclut aussi des textes de Tennyson, Poe, Chaucer, Shakespeare…
On retrouve aussi au moins deux autres textes de Crowley publiés dans le prestigieux magazine littéraire The English Review, dont un essai intitulé « Art in America » dans lequel Crowley se montre peu élogieux envers Walt Whitman, l’un des héros littéraires de Larbaud.
Il ne faut cependant pas s’y tromper : si Aleister Crowley est passé à la postérité, c’est bien en tant que magicien, membre notamment de l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée (en anglais Golden Dawn), qui compta aussi dans ses rangs William Butler Yeats ou Arnold Bennett, ami de Larbaud.
Dans les années 1960, les artistes pop avides d’expériences ésotériques s’empareront de la figure de Crowley. Il est ainsi immortalisé sur la pochette de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles, figure dans From Hell, la BD culte d’Alan Moore et Eddie Campbell, et Jimmy Page (guitariste de Led Zeppelin) va jusqu’à acheter la maison où Crowley pratiquait ses rituels. En 2002, un sondage de la BBC le classe 73e sur la liste des « 100 plus grands britanniques ». De quoi passer de l’ombre à la lumière…