La Villa des Arts

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Les récentes recherches menées par Gaëlle Mazet et Benoît Tournet sur les « villas anglaises » de la rue Alquié (voir n°175 du bulletin de la Société d’Histoire et Archéologie de Vichy et des Environs) ont fourni l’occasion d’exhumer du fonds d’archives Percilly-Brière un copieux dossier consacré aux transformations de la villa des Arts, propriété de François Émile dit Pierre Lintilhac. Fils d’un marchand de nouveautés et d’une antiquaire, né à Paris en 1865, il y commença sa carrière comme employé de commerce et y épousa Isabelle Breysse, elle-même fille d’un « marchand de nouveautés, tableaux et antiquités », en 1888. Il vint rapidement faire les saisons à Vichy et y acquit une solide réputation d’expert. Dès la construction de la galerie de la Source de l’Hôpital dite « du fer à cheval », en 1899, il loua deux boutiques pour y installer sa galerie d’art sur deux niveaux, local actuellement occupé par la boutique de Vichy Destinations.

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Cartes postales publicitaires de la Galerie Lintilhac, galerie de la Source de l’Hôpital, vers 1910.

 

Domicilié en réalité dans deux villas jumelles réunies de la rue Alquié (n°25 et 27), il ajouta d’abord une pièce en 1909 puis les fit surélever par les architectes Antoine Percilly et Gilbert Brière en 1913-14. Une lettre adressée de Nice par le marchand d’art à Antoine Percilly en février 1914 éclaire les relations entre les deux hommes et les choix effectués alors : après des formules d’introduction assez amicales, le commanditaire ne cache pas son mécontentement : « J’ai aussi les projets de décoration. Non, cela ne va pas ainsi, et ma réponse ne vous étonnera pas ? D’abord nous nous concerterons ensemble et sur place pour la décoration de certaines pièces. Et puis, ce que vous m’envoyez est un peu surchargé, et ce n’est pas parce que j’ai l’intention, ayant les principaux meubles de ce style, de faire le hall régence, qu’il faut que toute la maison, y compris les escaliers, épouse le Louis XV… ». P. Lintilhac communique ensuite très précisément ses instructions, détaillant où il a l’intention de placer ses principales pièces d’art, tapisseries et autres meubles. Il indique encore : « Escalier ancienne maison : le projet que vous m’envoyez est un peu surchargé ; ne trouvez-vous pas qu’il y a trop de petits panneaux ? Un style un peu plus sobre m’irait mieux. Ce que vous essayez est trop tourmenté et trop copieux. Voyez autre chose, du Louis XVI (encore !) s’il le faut mais pas de Louis XV, pour aucune pièce. C’est un style très difficile à soutenir en sobre et à meubler sans tomber dans le tarabiscoté. ».

 

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Divorcé puis remarié à une Italienne, il eut la douleur de perdre prématurément trois enfants : deux filles mortes en bas âge et son fils ainé, Pierre, chasseur alpin « tué à l’ennemi » dans les Vosges en août 1914. Il céda sa galerie à Eugène Lambert après la Grande Guerre mais resta fidèle à Vichy jusqu’à son décès, ce qui lui valut un bel hommage du « Moniteur de l’Allier » le 6 mars 1921.

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Article nécrologique consacré à Pierre Lintilhac. In « Le Moniteur de l’Allier », 6 mars 1921

 

Les collections municipales conservent d’autres souvenirs de cette famille : d’une part grâce à Eugène Lambert qui avait choisi d’offrir à  la Ville le tableau de Gustave Moreau « Enlèvement de  jeune fille vénitienne par des pirates chypriotes » provenant de la collection de son prédécesseur, et aujourd’hui exposé à l’hôtel de ville ; d’autre part, grâce au don de plusieurs tableaux par Hélène Cornudet, en 2008, parmi lesquels se trouve un portrait de sa tante, Isabelle Breysse, première épouse de Pierre Lintilhac donc et qui était aussi la sœur du peintre Émile Breysse (1880-1965), bien connu des Vichyssois.

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Enlèvement de  jeune fille vénitienne par des pirates chypriotes par Gustave Moreau, 1851

 

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Portrait d’Isabelle Breysse par H. Brunet, 1899

 

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Village en bordure de rivière par Émile Breysse, sans date